Aux confins de la France et de l’Espagne, dans la partie occidentale des Pyrénées, le massif de la Pierre Saint-Matin-Larra est une terre de contrastes et de frontières, mais il n’a jamais constitué une barrière.
C’est une zone de haute montagne et de moyenne montagne de plus de 200 km2, dont une partie karstique de 145 km2. Ses paysages diversifiés sont constitués de pics dénudés, de lapiaz, de pâturages, de forêts et de gorges. Il culmine à 2504 m d’altitude au Pic d’Anie (Auñamendi) et à 2444m au pic des Trois Rois. Les vallées du nord sont plus basses que celles du sud, 450 m à Sainte Engrâce contre 800 m à Isaba. Ceci explique en partie pourquoi les eaux Karstiques du massif ressortent toutes sur le versant nord.
Sur le plan géologique, le cœur karstique du massif est constitué de calcaires du Crétacé Supérieur, qui reposent sur un socle paléozoïque schisto-gréseux du Dévonien et du Carbonifère, mais qui renferme par endroits des calcaires. En fait, le massif de la Pierre Saint-Martin-Larra est la superposition de deux chaînes de montagnes : les Pyrénées actuelles et l’ancienne chaîne hercynienne qui constitue le socle paléozoïque. Ce phénomène est peu visible en surface, mais les spéléos de la Pierre le connaissent bien, puisque leurs puits se développent dans la masse des Pyrénées actuelles et leurs rivières souterraines coulent sur l’ancienne chaîne hercynienne. Cette superposition est particulièrement visible dans la salle de la Verna.
Les eaux qui s’infiltrent dans les calcaires crétacés constituent 4 grands systèmes hydrologiques, qui drainent les eaux du sud vers le nord-ouest, le nord et le nord-est. Les eaux des deux systèmes les plus importants : Saint Georges et Saint Vincent, ressortent à Sainte Engrâce au nord-ouest du massif dans la vallée de l’Uhaytza (le Saison). Celles de la partie nord-est constituent deux systèmes moins étendus, Issaux et Lées-Athas et rejoignent le Gave d’Aspe.
L’exploration spéléologique du massif de la Pierre Saint Martin a commencé dès le début du XIXème siècle (grotte Napia – de 1819 à 1865). Puis, vers 1890, des spéléologues locaux (Duffau , Veisse et Bourgeade) rejoints quelques années plus tard par Fournier, Rudaux et Martel, mènent quelques campagnes d’exploration en leur compagnie.
Mais il faut attendre les années 1930, avec Max Cosyns, pour comprendre l’ampleur de ce massif et surtout son fabuleux potentiel de découvertes. Isolé, souvent seul, Cosyns découvre néanmoins de grands gouffres dont il ne peut terminer l’exploration malgré la descente de grandes verticales.
L’après guerre et la première « révolution » de la spéléo drainent de nouveaux équipiers, plus jeunes, plus nombreux, extrêmement motivés et surtout bien mieux équipés. C’est le temps des expéditions lourdes et aussi du premier drame : Marcel Loubens meurt en 1952 dans le gouffre de la Pierre Saint-Martin où la première grande rivière souterraine vient d’être découverte. Haroun Tazieff, compagnon d’infortune de ce drame, y consacrera un livre émouvant « Le gouffre de la Pierre Saint-Martin ».
Dix ans plus tard, les spéléos ont presque oublié la Pierre. En 1965, on y connait à peine une petite dizaine de kilomètres de galeries. Corentin Queffelec et Max Cosyns, qui ont rassemblé autour d’eux quelques équipes disparates, fondent l’ARSIP (Association pour la Recherche Spéléologique Internationale à la Pierre St Martin) en 1966, avec quelques fidèles. Ceux-là avaient compris qu’il était indispensable de s’unir pour progresser et qu’une nouvelle vague de spéléos allait arriver. Il serait alors nécessaire de l’organiser, de l’aider, de lui apprendre à découvrir, à se méfier des évidences et à ne jamais renoncer.
Cette année là, le gouffre de la Pierre Saint-Martin devient, pour un temps, le plus profond du monde (-1166m).
Dix ans plus tard, il reprend son record (-1321m) et de nouvelles grandes cavités ont été découvertes : le Lonné Peyret (-717m), le Couey Lodge (-625m), le Réseaux d’Anialarra (-615m), la grotte-gouffre d’Arphidia (-600m).
Bref, près de 80 km de réseaux sont alors connus.
Depuis, les découvertes n’ont pas cessé. De nouveaux grands gouffres poussent leurs ramifications sous la montagne. Le BU 56 est devenu le plus profond du massif (-1408m). Le réseau de Soudet dépasse lui aussi les 1000m de profondeur (-1172m) ainsi que plus récemment, le Gouffre des Partages (-1091m). De grandes grottes révèlent d’immenses mondes fossiles où le temps s’est arrêté comme dans Arresteliako Ziloa, qui, après huit années d’exploration, dépasse les 50 km de développement.
La connaissance géologique et hydrologique du massif a également beaucoup progressé, aidant les spéléos dans leurs recherches et facilitant leurs découvertes ; si bien qu’actuellement, ce sont plus de 430 km de réseaux qui sont connus et topographiés sous le massif de la Pierre Saint-Martin-Larra.
A la base de cette réussite, il y a des hommes qui ont su donner de leur temps et de leur passion pour que d’autres puissent eux aussi explorer et découvrir. Corentin Queffelec et Max Cosyns avaient jeté les bases de ce que devait être l’ARSIP : passion, connaissance et partage. Les Douat, Pernette, Gomez, Danflous, Guardia, Godart, Pelissier, Verlaguet … ont pris leur succession et mis leurs compétences pour assurer la coordination des explorations afin que tous puissent, encore aujourd’hui, explorer et découvrir les entrailles du massif de la Pierre Saint-Martin en toute sécurité.
Près d’un tiers des verticales de plus de 100 m de l’hexagone français se situe sur le massif de la Pierre Saint-Martin… Cette liste n’intéresse sans doute que les spéléologues, explorateurs et amateurs de grandes verticales, mais dit, pour les profanes, combien la Pierre St-Martin est un véritable gruyère.
Nom de la cavité ou réseau | Profondeur | Nom du Puits | |
1 | Grotte de l’Ours | 330m | Puits du vautour |
2 | Puits Lépineux (PSM) | 320m | Puits Lépineux |
3 | AN506 Pozo de los Ninos | 259m | Le Monstre |
4 | Puerte d’Eruso (Arrestelia) | 248m | Puits des Dominiques |
5 | Bailando Lezia H144 | 233m | Puits du Sapin |
6 | Pozo Ibarra (AN 519)(Anialarra) | 222m | The Extremist |
7 | Gouffre Pascale (SL19) (PSM) | 215m | le P 215 |
8 | Trou de l’Ours | 206m | Puits d’entrée |
9 | Sima Echalecu | 200m | Puits d’entrée |
10 | Sima H (C108) | 200m | Puits d’entrée |